.

.

samedi 30 juillet 2005

Vers un totalitarisme soft

Vendredi, 30 Septembre 2005
imprimer
mail
Vers un totalitarisme soft

Philippe Delbauvre

Tribune libre
La situation française devient préoccupante. Et il ne faut avoir de cesse de dénoncer des dérives qui, dans un premier temps masquées, se pratiquent désormais aujourd'hui au plein jour. Dès lors où un gouvernement utilise des procédés douteux, il lui suffit d'exhiber sa carte joker estampillée « défense des libertés, droit de l'homme » pour justifier ce qu'il faut bien appeler leur négation. Comme de plus les journeaux télévisés ou la presse à grand tirage entonnent le même refrain, la population française dans son ensemble ne peut comprendre la gravité de la situation.

Croyez vous de ma part à une exagération ?

On peut avoir son point de vue sur les sans papiers. Je constate simplement qu'ils furent inviter à se rendre en préfecture afin de régulariser leur situation. Démarche généreuse, que l'on peut contester. Je remarque simplement que l'histoire n'a pas eu une fin heureuse pour beaucoup de personnes concernées. La pratique en question est tout simplement immorale.

L'installation de caméras de surveillance qui se généralise n'a peut être pas la fonction préventive et protectrice que l'on peut imaginer. Après tout, chacun est en droit dans la rue de rencontrer ou d'embrasser qui il veut, sans être observé et filmé. C'est le français normal qui est concerné, le « gibier » recherché échappant souvent à la police et à la justice. C'est donc l'affaire de tous.

Les informations de la carte vitale ne sont pas que médicales. Elles indiquent aussi les coordonnées personnelles. Une fois entrées dans l'ordinateur, que reste t-il des données ? Il semble qu'elles ne puissent être effacées. Dans le cas d'une maladie spécifique, donneriez vous toute confiance à un membre du personnel administratif, tout heureux d'annoncer à son entourage qui éventuellement vous connait ?

Les cartes d'identité nouveau modèle sont sécurisées. Paradoxalement, dans une société où tout se paie, il y a ici gratuité induisant un renouvellement de carte. Je ne suis pas rentré dans le jeu. On nous a annoncé la naissance prochaine d'une nouveau modèle plus performant, à l'américaine. Quelles informations vont t-elles contenir ?

Les CRS ne sont plus habillés comme de par le passé. Il n'est pas impossible que vous ayez constaté l'évolution. Ils sont désormais carapacés de la tête au pied. Qu'on le veuille ou non, il y a désormais militarisation de la police. On ne dit plus inspecteur mais lieutenant (comme aux USA). L'utilisation de tonfas ou des nouveaux pistolets taser relève de la même logique. La naissance de la BAC (brigade anti criminalité) dont les hommes sont tout de noir vétus, est issue du même terroir.

La toute récente mise au pas lors du problème corse a vu des syndicalistes confrontés à des troupes d'élite de l'armée. Pourquoi ne les utilise t-on pas contre la délinquance puisque c'est l'objectif désigné en premier qui permet de justifier les mesures de sécurité prises.

Je ne fantasme pas, je constate. Il a beaucoup d'autres exemples. Amusez vous à les trouver, même si c'est beaucoup moins drôle qu'inquiétant.

samedi 23 juillet 2005

On continue à parler du fascisme et c'est lassant

Samedi, 23 Juillet 2005
imprimer
mail
On continue à parler du fascisme et c'est lassant

Philippe Delbauvre

Tribune libre
On continue à parler du fascisme et cela devient lassant. D'une part, parce que les français sont en quête d'un renouvellement, d'autre part parce qu'il s'agit là d'un anachronisme.

Sternhell s'est imposé comme le grand spécialiste du fascisme français et cela grâce à une étude monumentale disponible en quatre tomes en édition de poche.

L'historien israélien s'est vu pourtant reprocher une minimisation de l'influence de la première guerre mondiale par nombre de ses collègues. S'il est exact que l'aspect conceptuel du phénomène politique était préexistant à la première guerre mondiale, il y manquait l'ingrédient qui fait que la réaction en chaines s'opère ou non.

En 1918, celui à qui tout le monde veut ressembler, c'est au poilu. On a beau parler de « der des der », le héros c'est quand même et avant tout le combattant.

Ou mieux, le guerrier. Car au fond, rien de nouveau sous le soleil à cet époque. Héros grecs ou romains, port de l'épée réservé à la noblesse, carrière des armes, mythes des deux empereurs suivant la célébration du « grand » Louis XIV, la vénération populaire passe par la célébration du héros casqué. Ceux qui y sont allés et les autres, l'avant qui tient mais l'arrière sur lequel on se pose des questions et on émet des doutes. On retire le chapeau ou le bérêt devant l'ancien combattant ou le soldat qui défilent. C'est la grande muette qui fait le plus parler.

Alors, après coup, ceux qui en furent versèrent dans le pacifisme quitte à célèbrer le temps des copains et de la fraternité partagée, ou alors célèbrèrent leurs passés plus ou moins glorieux en transmettant et les uns et les autres la bonne parole à ceux qui n'avaient pas l'âge. On comprend bien que les seconds parce que leurs récits étaient plus virils et plus grandioses qui fascinèrent le plus. Entre anciens combattants bardés de médailles scrutant l'outre Rhin (confère les croix de feu) et le jeunesse respectueuse mais aussi soucieuse de faire mieux que les anciens, l'alchimie ne pouvait que naître. Le port de l'uniforme qui n'est d'ailleurs pas le monopole de la droite est à ce titre emblématique de la fascination exercée par l'armée (combattante) sur l'ensemble des esprits de la république. On a donc assisté durant les deux guerres à la militarisation des esprits mais aussi des habitudes voire des réflexes. Et cela non pas afin de préparer la seconde, mais d'imiter, de perpétuer voire de recommencer la première.

Voilà la raison pour laquelle, lorsque je lis « ce fascisme qui vient », je me dis qu'un des phénomènes dont on a le plus parlé n'a pas été compris. Parce que justement, cette militarisation des esprits n'est plus. Les conséquences sont importantes: cela signifie une rupture avec toute l 'éthique guerrière de notre histoire. Cela signifie aussi, et rien ne vous empêche de regarder autour de vous afin de vérifier, que le fascisme est mort.



jeudi 7 juillet 2005

Réaction à chaud

Jeudi, 7 Juillet 2005
imprimer
mail
Réaction à chaud

Philippe Delbauvre

Tribune libre
Je viens d'apprendre la nouvelle tout comme vous. Londres a été victime d'attentats. Certains ont déjà ressorti leurs vieux discours en imputant les actions à qui vous savez. Il semblerait que cela soit un groupe inconnu. Très doués pour des débutants. C'est le premier aspect ridicule de ces événements.

Londres a été frappée. Elle devait l'être. Cela avait été promis. On peut regretter que ces attentats touchent un peuple , mais Blair est toujours là et dans une guerre , conventionnelle ou pas, c'est toujours le peuple qui est en première ligne.

La réaction des élites européennes m'indigne. Elles sont en train de fanatiser leurs opinions publiques en pointant les quelques dizaines de morts outre manche. A lire un éditorial, j'apprends que « nous sommes tous des londoniens ». Vous peut être monsieur, moi pas. Je me situe de l'autre côté de la barrière. Les pauvres innocents de Londres ? Les femmes et les enfants irakiens victimes du blocus américains n'étaient t-ils pas eux aussi des innocents ? D'un côté quelques dizaines, de l'autre quelques centaines de milliers. Pas innocents la majorité des palestiniens tués ? Pourquoi ce deux poids de mesure ? Je veux bien admettre que pour un journaliste il est plus facile de montrer des images et de faire jouer la fibre affective en excluant toute analyse, mais le procédé s'apparente à de la désinformation.

Parce qu'il est peut être bon de raisonner et de se demander pourquoi ce sont les peuples de Bush, Aznar et Blair qui ont été touchés. Les lois du hasard présentent aussi leurs limites. Lorsqu'on se décidera à compendre qu'à se méler des affaires des autres un peu partout dans le monde, de plus en utilisant les armes, on ne récolte qu'une juste révolte, on aura avancé. Les américains, les espagnols ou aujourd'hui les anglais n'ont reçu qu'à doses homéopathiques ce que d'autres peuples ont subi auparavant à une toute autre échelle. C'est cette leçon là qu'il faut retenir. Que les américains fassent leur politique, mais que les européens cessent de leur emboiter le pas. On ne s'en portera que mieux. Ou alors il faut aller expliquer aux français que nos soldats doivent aller se battre à des milliers de kilomètres, sans intérêt vital, quitte à payer un Paris ensanglanté.

Vous allez vous amuser en 2012 en dépensant des montagnes d'argent, alors vous en paierez le prix: après tout alors que le terrien moyen vit avec 3 euros par jour, où se trouvent le scandale et l'indécence ? Je ne pense pas pour autant que c'était la raison qui a mené ces actions. Disons que cela tombe bien, et ne fait que confirmer le jugement de ceux qui tout en souhaitant du sport ne voulaient pas des jeux d'argent. Londres c'est aussi la city: il ne faut pas oublier qu'avant l'étalon dollar il y eut l'étalon livre sterling. Il ne faut pas oublier que Blair est un socialiste comme on en a jamais fait. Le G8 est aussi visé, cela va de soi: cette impertinence à l'égard des pays les plus démunis, cette façon de monopoliser les chaises au conseil permanent, cette onu qui fonctionne aux ordres. Tout cela a de quoi exaspérer ce qui constitue la majeure partie de la planète. Un G8 entre autre, consacré à l'Afrique et à sa pauvreté: cela fait des décénnies que cela dure. Ne s'agit t-il pas plutôt d'un partage de ressources ?

En fait, pour l'Européen moyen enfermé dans sa vie morne et répétitive les quelques dizaines de morts de Londres sont un divertissement teinté d'effroi. C'est bizarre, c'est pourtant ce qui se passe tous les jours en Irak, en Afghanistan ou en Palestine.

« l'Organisation secrète de la Djihad d'Al Qaïda en Europe" aurait revendiqué l'attentat. Organisation inconnue de toutes les polices, mais visiblement sachant faire sauter des bombes, mais mal. Une organisation décidée à faire des dégâts utilisent des lieux fermés afin d'accroître les phénomènes de panique et aussi d'augmenter l'onde de choc. En prévenant les membres d'un immeuble de grande taille que tout allait sauter et en déclenchant une bombe même de faible puissance au sein du même immeuble, on faisait là encore beaucoup de dégâts. Cette organisation secrète (son numéro de téléphone n'est pas dans l'annuaire) serait donc parvenue à ne faire qu'une quarantaine de morts avec quatre bombes. Je me demande quel serait le nombre de morts obtenus en balançant trois grenades reliées, dans une rame de métro pleine. Davantage d'effets mais moins de pub. Le monde a les yeux braqué sur Blair, dont on évoquait le départ il y a quelques semaines. Le G8, les jeux olympiques expliquent le phénomène.

Pas impossible qu'on trouve un passeport iranien sous la cloche de Big Ben, ou au palais de Windsor.



dimanche 3 juillet 2005

Une papauté médiatique

Dimanche, 3 Juillet 2005
imprimer
mail
Une papauté médiatique

Philippe Delbauvre

Tribune libre
L'élection d'un pape n'a jamais été un succès médiatique dans l'histoire humaine. On peut trouver à cela plusieurs explications. La première est que le pape était le pape et reconnu comme tel. Ainsi les catholiques se réjouissaient de l'heureuse nouvelle alors qu'au contraire les anticléricaux voyaient en l'homme à peine élu le tenant du féodalisme théocratique. La seconde raison qui me vient à l'esprit est l'existence des moyens de communication qui se développent sur l'ensemble de la planète et qui permettent de suivre l'information en direct, phénomène qui n'est pas nouveau mais qui prend une ampleur exceptionnelle. Enfin, le monde a longtemps fait preuve d'inertie, la planète se réduisant au continent européen.

Le premier pape véritablement médiatique fût Jean Paul II. Cela commença par la nouvelle de sa nationalité qui avait de quoi surprendre. Puis ce fût les longueurs de piscine, le regard doux (le saint père était un bon père) ... Jean Paul II fût un grand communicateur ayant parfaitement compris le fonctionnement du monde dans lequel il vivait et décidé à exploiter les moyens d'expression contemporains afin de faire passer son message. Cela, jusque sa lente agonie que tous les hommes purent suivre pratiquement en direct. Il va de soi qu'une mort instantannée n'eût pas permis toutes les supputations quant à son éventuel succcesseur. Si les pronostics allaient bon train chez les laïcs où chacun y allait de son analyse (« il sera issu du tiers monde »), les analyses devaient être toutes autres au Vatican où on doit se baser sur d'autres critères, où l'on a d'autres objectifs et où on bénéficie d'autres renseignements.

Le verdict est tombé très rapidement. Le cardinal Ratzinger a donc été élu. Il n'est pas du tiers monde mais allemand, n'est pas noir mais ancien des jeunesses hitlériennes. Evidemment, certains avaient d'autres espérances et on peut les comprendre. Si cependant, si le conclave en a décidé autrement c'est qu'il devait avoir ses raisons.

Revenons sur les jeunesses hitlériennes: on pouvait s'attendre à un tollé général et cela l'Eglise le savait. Or pratiquement rien, et le peu fût clos par Jean Marie Lustiger, juif converti au catholicisme, volant au secours de Benoit XVI. Certains verront peu être là un détail, mais je pense que cela a de son importance et nous y reviendront plus loin.

Joseph Ratzinger a 78 ans c'est à dire qu'il est du même âge approximativement que Jean Paul II. On sait qu'il fût préfet pour la congrégation pour la doctrine de la foi dont il est difficile de donner un équivalent laïc mais dont on pourrait considérer que c'est l'équivalent d'un responsable aux questions idéologiques dans un parti politique.

C'est donc un personnage outre le fait qu'il soit lettré, qui est aussi un spécialiste des questions religieuses dans le cadre dogmatique. C'est un homme qui a dit oui sans retenue au concile vatican II avant de s'infliger une « auto-critique » suite aux dérives libérales occasionnées. En ce sens il ne faut attendre ni le charisme de Jean Paul II, ni une profonde rupture. Certains parlent de continuité. Rien n'est moins sur. D'autres de transition, ce qui supposerait connaître la date de son décès. Il semblerait plutôt si on prend en compte sa formation, son parcours, sa présence auprès de Jean Paul II où il devait jouer davantage le rôle de faucon que celui de colombe, que l'on s'oriente vers davantage de rigidité dogmatique. Si le discours à l'égard des catholiques a de fortes chances de rester le même sur le fond, la forme risque d'être plus austère. Si un catholicisme aseptisé a de quoi séduire les hommes qui vivent la post modernité, il n'en est pas de même ailleurs. Ce serait d'ailleurs le risque majeur que de se metttre en compétition avec le protestantisme, pratique religieuse bien plus adaptée à notre époque. Le catholicisme risquant de passer pour un protestantisme de « tristes ». On peut donc songer non à une réaction au sens politique du terme mais à la remise au goût du jour de certaines pratiques aujourd'hui abandonnées. De même, on peut s'attendre à un refus total de mise en phase avec l'évolution de la société. L'église maintiendra ses dogmes, quitte à perdre une partie de ses paroissiens. En cela Benoit XVI sera le gardien du dogme, attentif à faire passer son message et à le défendre. Il est très bien placé pour savoir que si les indifférents dans le domaine religieux progressent. Il existe toute une population, qui pour l'instant partique le bricolage religieux en juxtaposant différents emprunts, mais qui aussi pour une partie est en quête de vraie spiritualité quitte à en accepter les contraintes (mêmes sévères au vu du monde contemporain). Ainsi, l'affadissement des religions, la mise en valeur de la subjectivité, le relativisme risque à long terme de pénaliser les pratiques qui se seront mises au goût du jour.

De même, il ne faut pas oublier que le cardinal Ratzinger fut celui qui n'hésita pas à dire que le catholicisme était devenu cette barque qui prenait l'eau de partout. Est ce là un constat enchanteur, une glorification de l'oeuvre de Jean Paul II présent à la tête de l'église depuis plus d'un quart de siècle ? En fait les chiffres attestent, d'une part le nombre de prêtres est en diminution avec d'importants départs en retraite dans les prochaines années, d'autre part au niveau mondial le catholicisme était passé de 18 à 17 % de la population mondiale ce qui montre bien le décalage entre le succès médiatique de Jean Paul II et son impact réel sur l'engagement religieux.

Or c'est justement c'est art de la communication qui délibéremment risque de disparaître. Un Jean Paul II qui aimait les signes phares, ce qui est bien dans l'air du temps. Ainsi un voyage au Maroc où devant une foule musulmane rassemblée, il s'écrie: «nous adorons le même Dieu.» Ce même Jean Paul II recevant le Dalaï Lama, faisant l'apologie de la bonne entente avec l'Islam, se rendant à la synagogue de Rome, demandant pardon aux murs des lamentations. Cela fait beaucoup, pour probablement peu de résultats (une sympathie certaine) et des prises de position
qui ne sont pas faites pour plaire à tout le monde chez les catholiques. On risque donc de constater un retour à une attitud plus conforme à la tradition, le pape passant par les élites pour communiquer plutôt que de s'adresser directement aux peuples.

Parce que ce quart de siècle de Jean Paul II fût particulièrement riche historiquement: le monde a subi une métamorphose dont on peut constater les conséquences dans de nombreux domaines. Ainsi, l'avortement s'est généralisé en Europe ou presque, la contraception n'est plus taboue, hommes et femmes ne sont plus séparés dans l'église, l'érotisme et la pornographie sont présents sur les chaines de télévision, l'homosexualité n'est plus un délit, le concubinage est généralisé. Ainsi dans ses aspects les plus susceptibles de troubler l'église, il y a eu nouvelle donne. Ce quart de siècle fût aussi celui de la fin de l'affrontement entre le monde communisme et le monde libéral. Jusque 1989 tout raisonnement passait par une lecture est/ouest y compris dans les milieux religieux. On sait la part qu'à joué Jean Paul II dans ce conflit en égratignant à chaque fois qu'il le pouvait le régime soviétique ou l'un de ses satellites. Par voie de conséquence, c'est aussi l'idée de gauche qui disparaît des esprits en Europe. On accepte certes de se dire de gauche mais plus question de

socialisme, privatisation importante, règne de l'individu roi et d'une certaine façon, fin de la communauté qui laisse place à la société. Il va de soi que les conséquences en terme religieux se font dès lors sentir. L'individu roi de la société profane qui se proclame le centre de tout ne peut plus guère accepter une pensée dogmatique (au sens propre du terme) qu'il faudrait accepter dans son ensemble sans rien pouvoir rejeter. On ne s'étonnera pas dès lors du concept de «bricolage religieux » inventé par les sociologues des religions qui caractérise des emprunts effectués par les individus à plusieurs religions. A titre d'exemple 25 % des catholiques croient à la réincarnation, idée fort peu catholique... mais qui représente tout de même donc une personne sur quatre dans la catégorie considérée, ce qui n'est pas rien puisqu'il y a évidemment incompatibilité entre les deux croyances. Ce bricolage religieux est la conséquence bien sur de l'individualisme, mais aussi de l'augmentation du nombre de moyens de communication aussi bien en nombre qu'en type. Il en résulte un « menu » particulièrement varié où chacun en choisissant ses propres plats trouve sa spécificité.

Ainsi, l'Eglise qui est caractérisée par une pensée dogmatique subit à elle aussi le recul qu'ont pu vivre toutes les idéologies durant ces trente dernières années. Si le libéralisme fait exception, ce n'est pas parce qu'il n'est pas une idéologie mais justement parce qu'il se présente comme n'en étant pas une. Il va de soi que le phénomène touche également les autres religions et que tout pays entré dans la modernité est touché de manière similaire. Ainsi, si Benoit XVI se trouve confronté à des problèmes internes à l'église catholique (le rapport entre l'institution et les hommes), il a également à gérer le dialogue entre les religions. Comme dit plus haut, rien n'empêche un européen d'embrasser une religion non européenne avec quelques ajouts personnels, d'autre part l'immigration à amener avec elle ses propres pratiques.

On imagine la difficulté à gérer ces nouveaux rapports au sein des pays. Ainsi un religieux catholique va discuter avec un français de souche devenu bouddhiste pour ensuite s'adresser à un français d'origine algérienne converti au catholicisme. Les pays sont donc devenus à l'image des individus et donc beaucoup plus difficiles à gérer en terme d'identité religieuse. Cela d'autant plus qu'un autre phénomène est tout aussi menaçant pour l'institution qui est l'indifférence religieuse. Ni Athéisme, ni agnosticisme, c'est un phénomène relativement nouveau qui consiste « naturellement » à ignorer les problèmes religieux, peut être parce que ceux ci échappent à l'utilitarisme ambiant, peut être aussi et là encore c'est lié parce que la notion de sacré n'est plus perçue aujourd'hui suite et au matérialisme et à la volonté de ridiculiser tout ce qui pouvait y faire référence.

Chacune des religions étant plus ou moins confrontée aux mêmes problèmes, se posent donc leurs rapports que cela soit dans le cadre de l'oecuménisme ou du dialogue interreligieux. Toutes font plus ou moins du prosélytisme, y compris le bouddhisme qui par ses conférences en Europe parvient à recueillir de nouveaux adeptes. Si Jean Paul II avait rencontré le Dalaï Lama, on sentait bien que la nature des relations n'est pas la même: en effet il y a d'un côté les gens du livre et le ... reste.

On se souvient du réchauffement très net entre catholicisme et judaisme surtout à l'occasion de la demande de pardon pour les erreurs de l'église. On ne voit guère de raison pour que Benoit XVI ne s'inscrive pas dans une telle continuité.

Remarquable aussi ce rapprochement (volonté de dialogue) entre Rome et le protestantisme. C'est notamment le cas avec l'évangélisme où le refus de la contraception de l'homosexualité et de l'avortement constituent un axe spécifiquement chrétien. Cette convergence de vue n'empêche pas évidemment les différences et les frictions mais il n'empêche que l'axe principal passe par là.

Tout autre est la relation entre catholique et Islam où à nouveau Jean Pau II avait fait des voyages particulièrement remarqués tant au Maroc que dans l'afrique subsaharienne accompagné quelquefois de déclarations choquantes pours certains « nous aimons le même Dieu ». Déjà à cette époque le cardinal Ratzinger avait mis en garde contre les menaces de syncrétisme. L'élection de Benoit XVI a plutôt inquié les musulmans qui se contentent d'espérer que son pontificat sera dans le prolongement de celui de Jean Paul II. En fait le cardinal Ratzinger ne s'est guère exprimé au sujet de l'Islam, mais le peu qu'il ait fait ne laisse pas présager de bonne relations: ainsi avait t-il dit que « l'Islam ne pouvait renoncer à sa volonté intrinsèque d'être un élément décisif de l'ordre public ». Remarque un tant soit peu amusante dans la mesure où c'est paratiquement le cas de toutes les religions. Mais il a aussi fait pire
en signant, en septembre 2000, la fameuse déclaration Dominus Jesus, dont les positions sont beaucoup plus radicales que celles affichées par Jean Paul II. Ainsi, on y apprend que les religions non chrétiennes (donc l'Islam) ne sont pas une foi mais « une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l'assentiment à Dieu qui se révèle ». L'islam étant ainsi de facto devenue une religion inférieure, on comprend mieux l'opposition de Benoit XVI à la Turquie dans l'Europe.

Nous avions fait remarquer (voir supra) que le terrain de prédilection des missionnaires n'étaient autes que les pays pauvres, ou à tout le moins moins avancés.

Et derrière les embrassades publiques, que de rivalité pour conquérir de nouveau espace. Ainsi en Afrique, plus on descend vers le sud et plus le christianisme prend de l'ampleur. Ne doutons pas que son but soit de prendre le cap plein nord pour faire reculer et les religions traditionnelles et l'Islam. Même si l'indonésie est à majorité musulmane, c'est toute la mosaïque des religions qui est représentée. A une moindre ampleur, on trouve le même phénomène en Chine, en Inde, et si l'on regarde bien une carte du monde on peut généraliser. Dès lors où l'on connait les positions de Benoit XVI au sujet de l'Islam, il faut s'attendre malgré le ferme maintien des spécificités catholiques à un rapprochement avec le protestantisme ne serait ce que pour freiner la propagation de l'Islam. Les choix religieux ont bien entendu des incidences politiques, tout comme les politiques ont compris depuis longtemps le parti qu'ils pouvaient tirer de l'instrumentalisation des religions.